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Les randos de Malo
6 juillet 2008

Dans les Cévennes avec un âne

Il y avait longtemps qu'elle nous trottait dans la tête, cette idée, avec la même obstination qu'un baudet sur la caillasse : faire une randonnée quelque part en France, accompagnés d'un âne. En 2008, nous nous sommes lancés. Mon fils Malo venait d'avoir 10 ans, et moi 41. Tous deux avions une bonne expérience de la rando, mais aucune habitude des ânes. Peu importe. Quelques recherches sur internet et nous arrêtons notre choix : nous irons chez Gabrielle et Antoine, qui, à Notre-Dame de la Rouvière dans le sud des Cévennes, élèvent des ânes et proposent des balades dans leur région.

L'arrivée au mas Corbière

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Le mas Corbières est un hameau en cours de restauration, situé à Notre-Dame de la Rouvière, accroché à la colline comme dans la chanson. Au bout d'une petite route escarpée, on aperçoit vite le bout des oreilles dressées des ânes dans une pâture en contrebas.

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Animaux sympathiques au demeurant, qui nous font penser à une peluche de Malo quand il était petit. Sauf que là, ils pèsent quelque chose comme 150 kg, et mesurent dans les 1,20 m au garrot. Grosses peluches donc.

L’endroit est superbe. Les maisons du hameau, dont les toits de lauze surplombent la vallée de la Valniérette, sont rénovées petit à petit par Gabrielle et Antoine. D’Antoine, nous apprendrons au cours du repas qu’il est en hiver guide de trek, spécialiste des animaux de bât, et qu’il traverse le désert marocain avec des dromadaires. Donc pas de souci, il connaît son affaire.

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Le couple, qui produit aussi des oignons (bio), des myrtilles (bio) et des châtaignes (bio), élève une vingtaine d’ânes (bio, sûrement). En nous baladant jusqu’à la rivière, nous croisons leur regard placide. On se demande un peu comment ça se pilote des engins comme ça, mais on se dit qu’on aura tout le temps d’apprendre le lendemain. Pour l’heure, dans une fin d’après-midi lourde, nous cherchons un coin de rivière où nous tremper les pieds.

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Le soir, on mange en compagnie des autres occupants du gîte. Une famille de Hollandais, dont les deux petits garçons se lient immédiatement avec Malo, bien qu’ils n’échangent pas un seul mot entre eux.

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Il y a aussi un grand groupe de quatre adultes et trois enfants venus de la région parisienne. En discutant avec eux, nous apprendrons que l’année d’avant, lors de leur premier séjour avec un âne, l’animal leur avait échappé, et qu’ils l’avaient retrouvé 24 heures plus tard ! Ben ça promet…

On se couche vaguement inquiets. Malo s’endort aussitôt sur le lit couchette voisin du mien. Une vraie pile électrique, qui se retourne toutes les trois minutes et me réveille environ 3000 fois. Allez, vivement le matin.


1er jour : Mas Corbières-Gîte du Monna

On se lève sous le brouillard, on ne voit pas le sommet des collines. Ca va se dégager, dit Antoine, qui connaît ses montagnes comme le fond de ses poches. Première confrontation avec la bête. Deux grandes oreilles, quatre pattes, autant de sabots, un joli pelage gris, bref, un âne. Une ânesse de Provence, pour être très précis, fruit d’une sélection rigoureuse. Dure au mal, coriace dans la caillasse, sobre comme un chameau, pas compliquée à vivre, nous apprend Antoine, qui fait les présentations. Elle s’appelle Manouchka. Enchantés.

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Antoine nous montre comment s’en occuper. Lui curer les sabots, savoir bien la bâter. Pfff, en plus, c’est technique… Bon, pas se tromper de sens quand on installe le bât (l’expression fameuse du bât qui blesse devient alors beaucoup plus concrète), bien serrer les sangles (mais pas trop), bien équilibrer les sacs, savoir faire un nœud autour d’un tronc. Houla ! Je prends des notes ou j’ai l’air… d’un âne ? Surtout, insiste Antoine à plusieurs reprises, il faut être ferme. Sinon, c’est l’âne qui vous emmène et vous revenez de balade en portant vos bagages. Ah ? Et alors ? Alors c’est simple : Malo est aussitôt expédié à la recherche d’une branche d’arbre, qui nous servira de badine. Instrument indispensable dans la conduite d’un âne. Des coups secs sur les fesses, dit Antoine, faut qu’elle comprenne tout de suite qui commande. Après, ça ira tout seul. Bon, s’il le dit.

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Nous voilà partis, Babouchka et nous. Enfin, surtout Babouchka, qui, effectivement, dès les premiers mètres de grimpette vers le col de l’Asclier, semble vouloir n’en faire qu’à sa tête. La réputation des ânes n’est par conséquent pas usurpée. Là, elle s’arrête à l’ombre, cool. Ici, elle s’arrête pour brouter de l’herbe tendre, ben voyons. Plus loin, ce sont des feuilles de mûrier qui la retiennent. Oh hé, à ce rythme, on va finir la balade en novembre ! Donc la badine. Un coup sur les fesses, elle avance. S’arrête. Rebadine. Elle réavance. Pas bien compliqué, finalement.

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Au bout de trois bons quarts d’heure de grimpette sévère, on arrive au col de l’Asclier, où se dresse le seul pont moutonnier d’Europe. Un pont juste pour les moutons, qui passe par-dessus la route. On s’arrête cinq minutes, le temps pour la famille de Parisiens partie juste après nous de nous rattraper. Babouchka s’énerve en les voyant arriver : on comprend qu’elle réclame la compagnie de sa copine. On n’insiste pas, on laisse les deux ânes marcher côte à côte, sur une superbe draille qui traverse un paysage de crêtes magnifique. Les sommets bleus et verts ondulent dans le ciel qui commence à se dégager, où tournent de grands oiseaux majestueux. Tiens, c’est tellement beau que j’en deviens poète.

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Au col de l’Homme mort, endroit superbe malgré son nom sinistre, nous quittons la famille parisienne. Babouche a l’air à moitié satisfaite, mais après un ou deux « hi han » de regrets, semble en prendre son parti. On plonge alors dans une belle forêt de chataigners, le long d’un chemin bordé de ruines de bergeries. Puis, comme souvent dans les Cévennes, le paysage s’ouvre brusquement sur un horizon infini. Là, on profite du panorama et on s’organise notre pause déjeuner. On débâte Babouchka qui est aussitôt attaquée par une armada de taons, sales bêtes volantes et piquantes qui s’en prennent à elle en priorité, mais n’hésitent pas à terminer leur festin sur nos peaux plus tendres. Pour tenter de les éloigner, nous tartinons Babouche d’huile de cade, un extrait de genévrier odorant et cicatrisant. Puis nous lui donnons du pain et quelques biscuits, qu’elle avale avec un plaisir évident ; nous venons de nous faire une amie.

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Ici, le silence est absolu, si ce n’est l’agitation des insectes dans l’herbe sèche. Mais il n’y a nul bruit généré par l’homme et ses activités. Pas le moindre écho d’une voiture ou d’un avion. Rien. Jusqu’à l’arrivée de deux randonneurs anglais, qui nous saluent en opinant du chef. On repart sur une piste plus large, qui nous mène au Puech Sigal, un hameau médiéval situé à peu près au milieu de nulle part. D’un seul coup, Malo, qui tient la longe de Babouche, se met à paniquer : voilà qu’elle l’emporte d’un pas décidé, et les 35 kilos du jeune homme ne peuvent pas grand-chose contre les 150 kilos de l’âne. En fait, Babouchka a reconnu l’endroit, et s’empresse de trotter jusqu’à une fontaine, où elle sait trouver un seau rempli d’eau fraîche.

La fin du parcours s’effectue sur la route, une descente tranquille. On est bientôt arrivés, alors on laisse l’ânesse se gaver de chardons, de trèfle, de jeunes pousses de frênes et d’acacia et de châtaignes tombées par terre. Quand nous la brusquons un peu pour qu’elle redémarre, elle s’arrange pour arracher une grande quantité de verdure, qu’elle finit d’avaler tout en marchant. Malo est pété de rire.

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On arrive au gîte du Monna, pas mécontents de débâter Babouche et de lui offrir sa ration de grain. Le Monna est une vaste bâtisse tout en hauteur, datant de 1772, avec une immense salle commune aux murs chaulés et une table où nous pourrions faire un tennis. On enlève nos godasses et on sort aussitôt en tatanes pour rejoindre la rivière que nous avons repérée en arrivant. Un trou d’eau fraîche profond d’un bon mètre cinquante nous y accueille, où nous plongeons avec délectation. Au milieu, un rocher rond est comme un fauteuil où je prends place, tandis que les alevins me chatouillent les mollets. Malo fait le lézard sur les rochers. Qui c’est les plus heureux ? Le soir, après le repas, il joue longuement avec deux petits chats, tandis que je me plonge de le « No country for old man » de Mc Carthy. Nuit excellente.


2e jour : Le Monna-La Goutanière

Le beau temps s’est installé sur les Cévennes. Il fait chaud, mais un vent, soutenu et bienvenu, balaie la montagne. On quitte le Monna tranquillement à 10 h 30, après un petit déjeuner consistant à base de confiture de figues. Babouchka est bonne fille, qui reprend sa marche paisible, seulement freinée par la glâne d’un chardon ou d’une branche de frêne. On la laisse petit-déjeuner elle aussi, pas de raison.

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La route qui mène à Notre-Dame de la Rouvière est splendide, qui surplombe toute la vallée. On passe sous un minuscule pont de pierre, avant de suivre une chaussée étroite bordée de murets de pierre sèche. Notre équipage provoque parfois de la sympathie auprès des automobilistes qui nous croisent, parfois une parfaite indifférence. On arrive à Notre-Dame de la Rouvière en fin de matinée. Le bonjour de l’épicière qui ferme sa boutique. Son jeune chien aboie, Babouche reste de marbre.

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On quitte le village par une route à gauche, qui plonge sur la rivière que nous passons à gué. Babouche, que nous arrêtons dans le lit du ruisseau, n’a pas soif. Elle semble plus inquiétée par l’armada de taons qui se colle à ses flancs. Et aux miens par la même occasion. Sales bêtes. J’en tue une, deux, trois, mais la multitude est la plus forte. On va devoir faire avec.

Le chemin remonte dru après la rivière, sur un sentier de caillasses tranchantes. On en bave jusqu’au hameau de la Bastide, très bel ensemble de fermes et de bergeries en cours de réhabilitation. Comme elles sont ouvertes aux quatre vents, on peut voir de l’extérieur l’extraordinaire architecture de ces bâtisses, avec leurs caves voûtées, leurs vastes pièces, leurs escaliers et leurs arches qui s’entrecroisent. Après la Bastide, le chemin remonte plus doucement vers le col de la Triballe, en fait le croisement pas très joli de quatre routes. On s’arrête pas loin, dans une petite clairière où des rochers bas nous serviront de chaises et de tables.

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Nous débâtons Babouchka et déballons le pique-nique préparé au Monna. Le problème est que nous avons attaché l’ânesse trop près de nous, et qu’elle vient immédiatement traîner ses babines dans ma salade de nouilles ! S’embête pas, celle-là. Malo est plié de rire. J’attache Babouche à une distance respectable, de façon à ce que sa gourmandise ne la pousse plus à troubler nos agapes. Ca la désole. Pour nous faire pardonner, nous lui amenons des bouts de pain, qu’elle engloutit. Cet animal a un appétit extraordinaire.

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On repart par une piste à moutons, qui nous mène doucement au col de Devinayre, avec son énorme châtaigner creux. Endroit paradisiaque, avec une belle ombre et une herbe fraîche pour Babouchka. On contemple un menhir indiqué sur la carte –en fait un gros caillou-, on s’assoit cinq minutes, et on repart… en nous trompant de chemin.

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On perd une bonne heure sur un beau sentier ombragé que nous prenons à rebrousse-poil quand nous nous apercevons que nous faisons fausse route. En fait au Devinayre, le chemin qui descend à Saint-Martial, le village où se trouve notre gîte de la Goutanière, est noyé dans les fougères et il n’est pas facile à repérer. La deuxième fois est la bonne. C’est déjà la fin de l’étape, alors on prend notre temps, marchant Malo et moi au rythme de Babouche, qui s’autorise de fréquents arrêts verdure. Le printemps a été exceptionnellement pluvieux et pour cette raison, la nature est particulièrement verdoyante. C’est parait-il beaucoup plus sec à cette période d’habitude. Babouchka n’a pas l’air de s’en plaindre, qui boit goulûment l’eau qui, un peu partout, ruisselle du flanc des montagnes.

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Notre route du jour se termine par une traversée de jardins en terrasse, tous plantés d’oignons doux des Cévennes. Le gîte est dans un virage, accroché à une pente, avec une vue infinie sur les montagnes boisées. Pas l’ombre d’un voisin. On sera encore seuls dans le gîte ce soir, nous explique Jacques, le maître des lieux. Je m’en réjouis, moi qui suis en quête de calme. Malo, lui, a l’air chiffonné ; il a peur de s’ennuyer. On est fatigués. On se douche et on comate un peu sur les lits du petit dortoir, avant que le soleil ne se couche.

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Peu à peu, Malo retrouve la forme, tandis que je lutte pour ne pas sombrer illico dans le sommeil. Mais Jacques arrive qui me tire de ma torpeur en me proposant un petit rosé d’un ami viticulteur, rosé léger qui présente l’avantage de se boire aussi facilement que de l’eau. On discute longuement des circonstances qui l’ont vu acheter, avec sa compagne Pascale, le mas Goutanière, et se lancer dans l’accueil des touristes et la production d’oignons.

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Pendant ce temps, Malo joue avec les deux chiens, dont l’un s’appelle Bouscot. J’apprendrai qu’un bouscot, en patois local, est un rejet de châtaigner qui pousse de façon spontanée, lorsqu’une châtaigneraie a été laissée à l’abandon, donnant des fruits tout juste bon à régaler les sangliers. Comme le chien est lui aussi venu au monde de façon hasardeuse, il a hérité de ce nom…


3e jour : La Goutanière-Le Cougnot

Dans chaque rando, il y a une étape galère. En général, c’est toujours celle qui, sur le papier, est déjà la plus longue, la plus difficile. Aux difficultés, les circonstances, ou bien le destin, ajoutent des embûches supplémentaires qui vous font jurer que plus jamais vous ne repartirez dans des plans à la con comme ceux-là… Ce jour-là, donc, était venu. Déjà, nous partons trop tard, retardés par un lever paresseux, un p'tit dej un peu molasse et des préparatifs qui traînent. Résultat, quand nous nous mettons en route, le cagnard tabasse déjà sévèrement. La matinée tire déjà à sa fin quand nous traversons le village de Saint-Martial où une mémé nous sourit en nous lançant, avé l’assent, « hébé, il marche bien ce petit âne là ».

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Il marche bien, certes, sauf lorsqu’il est bloqué, comme nous le sommes quelques minutes plus tard, par le pick-up d’un Allemand occupé à des travaux chez lui. La bagnole occupe toute la largeur de la ruelle et Babouchka, harnachée comme elle est, ne peut pas passer. Je vais quand même pas la porter pour passer par-dessus ! Non, le propriétaire du véhicule arrive finalement et le déplace. On peut poursuivre, en descendant jusqu’à la rivière, qui nous offre un peu de fraîcheur.

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Les taons, jamais bien loin, sont déjà à nos trousses. Le pelage de l’ânesse commence à être criblée de plaies causées par ces foutus insectes. Malo a trouvé une technique pour les occire, mais il semble que dix nouvelles bestioles remplacent toujours celle que nous expédions au paradis des insectes chiants. Les taons sont toujours plus nombreux, et toujours plus gros. Leur bourdonnement nous accompagne dans les sentiers de sous-bois que nous prenons pour grimper sur l’autre versant de la montagne. Et c’est là, enfin par-là, que nous nous perdons une première fois.

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Aucun chemin n’est balisé, et rien ne ressemble plus à une entrée de sentier qu’une autre entrée de sentier. On rallonge notre itinéraire de facilement une heure. Avec en plus l’inquiétude de nous retrouver à perpette. Le soleil, la transpiration, les taons… La rando, c’est parfois ingrat. On finit par déboucher sur une route que je suis incapable de localiser sur la carte. Deux paysans arrivent en voiture, qui nous disent de suivre la route pour gagner le village de Saint-Roman. OK, mais j’ai pas envie de marcher sur de l’asphalte, et je préfèrerais retrouver notre chemin. Une autre voiture arrive, avec un Black à l’intérieur. Il s’arrête spontanément, nous devinant sûrement un peu paumés, nous deux et notre âne. Il nous explique comment retrouver notre chemin. Il s’appelle Otis. Otis, comme Otis Redding ? Comme Otis Redding, il dit. On se quitte sur une poignée de main, avec l’assurance d’avoir retrouvé notre route.

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On repart le cœur plus vaillant, et on débarque au-dessus d’une bergerie typiquement cévenole, où une jeune femme nous indique notre chemin, qui grimpe tout droit dans la montagne. Elle est jeune, mais on la croirait sortie des années 70. Si vous croisez mes chèvres là-haut, nous dit-elle, faites attention qu’elles ne vous suivent pas. Ses chiens ne cessent d’aboyer autour de l’ânesse, qui reste impassible. On prend notre courage à deux mains et Babouchka par sa longe, et on commence la grimpette. Ca monte franchement raide. D’abord on en bave un peu. Et puis on en bave vraiment. Là encore, on hésite sur la route à prendre. Le chemin tapissé de feuilles de châtaigner tournicote à qui mieux mieux et croise une multitude d’autres sentiers qui pourraient tous être le bon. On s’arrête fréquemment pour consulter la carte, mais elle ne nous est d’aucun secours. Et le topo n’est pas assez précis. On finit par prendre un chemin au pif. Evidemment c’est pas le bon. Au bout de 300 mètres, le sentier se rétrécit et se perd dans la broussaille, où nous faisons la connaissance des chèvres de la bergère. On doit rebrousser chemin, en s’égratignant dans les branchages. 

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Babouche, que nos hésitations semblent lasser, applique la technique du bulldozer et fonce droit devant elle, comme pour nous dire : mais où est-ce que vous m’emmenez ? On reprend un autre chemin, dans l’ombre, dans une chaleur étouffante. Et les taons, fidèles… On ne sait plus du tout où on est. Malo pleurniche ; pour ses petites jambes de dix ans, la montée est rude. Même Babouchka, fatiguée, s’arrête tous les cinquante mètres. Bon, pas de panique. Je me dis qu’on ne doit être plus très loin du somment, et que depuis là-haut, on finira bien par retrouver notre route. Et c’est ce qui arrive. On a de la chance, finalement. Vers 14 h, on débouche sur une large piste à flanc de montagne. On s’arrête pour déjeuner près d’une magnifique bâtisse, le Castanet des Perdus. On repart, revigorés.

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A Saint-Roman, après une halte devant un menhir où nous discutons avec un couple de Suisses, le topo nous indique qu’il nous reste encore trois kilomètres à accomplir. En fait, il y en a au moins cinq. En fin de journée, c’est la mauvaise surprise. Babouche a faim, elle s’arrête tout le temps pour brouter. Et elle est comme nous, elle en a plein les sabots. Malo suit péniblement, je ne cesse de tirer sur la longe de notre âne.

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Autant dire que lorsqu’au bout d’une route certes jolie, mais interminable, nous découvrons enfin le gîte du Cougnot, on est plutôt contents. On est accueillis par Philippe et Odile, deux babas old-school. On boit du rosé très frais, on mange des légumes bizarres, et on passe la soirée à discuter sur la terrasse, tandis que Malo joue avec des petits chats. Philippe est Arlésien, il aime la photo comme moi. Dans la chambre, je soigne mes bobos à la bétadine et au talc de Venise. Puis je m’écroule sur le lit. A côté, Malo dort déjà comme un caillou.

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4e jour : Le Cougnot-Liron

Mal dormi. Une énorme araignée et un petit scorpion, aperçus hier soir avant d’aller me coucher sur la terrasse, ont hanté mes rêves toute la nuit. Mais le sommeil, malgré tout, a été bénéfique. Je laisse Malo roupiller. On a convenu avec Odile qu’elle l’amènerait en voiture jusqu’à Saint-Roman, pour lui économiser les cinq premiers kilomètres de route, que nous devons reprendre dans l’autre sens. Je pars donc seul en compagnie de Babouchka. Cette route qui m’avait semblée interminable la veille, est une vraie balade de santé à la fraîche, sous l’ombre. Malo, frais et dispos lui aussi, me rejoint au bourg du village trois quarts d’heure plus tard. Au revoir à Odile et Philippe, et on repart le pas léger, pour trouver une belle petite route qui court sous les frondaisons. Comme on n’est vraiment pas doués pour s’orienter, on se perd un peu en prenant trop tôt un chemin sur notre droite. Babouche ne voulait pas tourner, c’est elle qui avait raison. On n’écoute pas assez les ânes. Revenus sur le bon itinéraire, on suit une piste et un sentier qui nous mènent, agréablement, au col des Fosses.

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On marche tranquillement, jusqu’à déboucher sur le col où la vue est splendide. Selon les recommandations d’Antoine, nous pique-niquons à 150 mètres du sommet, près d’une source, à proximité d’une croix en fer. Endroit charmant où nous dérangeons une fourmilière et un têtard qui vit sa vie de têtard dans la petite retenue de la source. Ici il fait humide et frais, l’herbe est grasse et Babouche s’en met plein la lampe. Et pour faire bonne mesure, dès que nous avons le dos tourné, elle nettoie nos assiettes en les léchant. Un âne a donc aussi le mode lave-vaisselle.

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On repart, l’estomac lesté d’une excellente salade préparée par Odile, de deux melons succulents et de pêches goûteuses. Par la crête, on rejoint le camp de Barat, endroit fabuleux pour la vue sur les innombrables montagnes cévenoles.

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On s’arrête en plein soleil, on s’assoit sur les rochers avec Malo, juste à regarder tout ça, cette immensité bleue survolée par des centaines d’hirondelles qui volent au-dessus de nous dans le silence. Juste pour ce moment partagé avec Malo, je suis content d’avoir entrepris cette randonnée.

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On finit l’étape doucement, en franchissant un autre col, puis en plongeant sur une vallée, par les Blaquisses. Il fait vraiment très chaud, les taons sont comme une meute de pitbulls sur Babouchka. Avec Malo, on s’arrose de l’eau d’une source qui coule, glacée, de la roche.

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Et on arrive, au débouché d’une grande courbe. Accueillis par Mireille. Son père vit ici, tout à côté du gîte, dans une ancienne bergerie. Cette nuit, nous serons seuls encore. On dîne sur la terrasse avec nos hôtes, vue somptueuse, rates sautées et poulet grillé. Malo-la-science se trouve des atomes crochus avec le maître des lieux, qui est un ancien prof de physique de l’université de Montpellier, si j’ai bien compris. Ils discutent planètes et dinosaures. Puis Mireille et son père nous laissent seuls dans notre gîte, au milieu de nulle part, coupés du monde. Mais plutôt bien.

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5e jour : retour au mas Corbière

Surprise quand on se lève. Il ne fait plus aussi beau que les jours précédents. Le ciel est bas et tout grisouille, il fait nettement plus frais, et la bruine accroche des gouttelettes d’eau à la crinière de Babouchka qui, paisible, nous attend dans son enclos. Au moins, on marchera sans souffrir de la chaleur, ni des taons qui, lorsque la température baisse, restent au bercail. Bon débarras. Et nous voilà repartis dans l’herbe qui nous trempe rapidement les mollets, les chaussettes et les chaussures. Bien sûr, avec une visibilité qui n’excède pas les vingt mètres dans le meilleur des cas, la marche à pied procure nettement moins de satisfaction.

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Nous traversons des paysages dissimulés dans le brouillard, d’où surgissent parfois les silhouettes fantomatiques de grands sapins. Sur les bords du chemin de transhumance que nous suivons, nous devinons l’immensité d’une montagne, la profondeur d’une combe, l’étendue d’une forêt, mais nous ne pouvons que les imaginer. Le col de Lougarès, que nous atteignons rapidement, est hérissé de gros rochers ronds, de bosquets et d’arbres déplumés nimbés de brume, d’où nous nous attendons à voir bondir quelque hobbit égaré. Bel endroit, sûrement, par beau temps. Par un chemin de crête, nous gagnons ensuite le rocher de l’Aigle, un chaos de granite qui, paraît-il, surplombe tout le sud du massif cévenol jusqu’à la plaine d’Anduze. On croit le topo sur parole, mais de ce panorama merveilleux, nous ne voyons que les premiers mètres…

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En plus, il se met à pleuvoir carrément, et nous devons enfiler nos ponchos, à l’abri de gros hêtres qui se trouvent là, où nous aurions dû normalement, si le soleil avait été de la partie, pique-niquer à l’ombre. Mais non, le climat n’est pas à la baguenaude. On redescend d’un bon pas sur le col de l’Asclier, où nous arrivons en début d’après-midi.

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Nous ne sommes plus très loin du mas Corbières. Le temps s’est un peu arrangé, on déballe le pique-nique, qu’on partage tranquillement. Malo est en pleine forme, Babouche aussi ; moi, je ne suis pas mécontent d’arriver.

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Au gîte, nous remettons avec un peu de tristesse Babouchka à ses propriétaires. Elle est d’évidence contente d’avoir fini le job et de retrouver ses camarades. Nous faisons la connaissance d’une mère de famille et de ses deux enfants, avec lesquels nous passons la soirée à jouer aux cartes. Belle soirée, coupée du monde une fois de plus. En cinq jours, que s’est-il passé sur la planète ? Pas la moindre idée. On s’en fout un peu, faut dire. Et on aura tout le temps de l’apprendre le lendemain, quand on rentrera...

Coût : en 2008, 5 jours de location d'ûn âne coûtaient 188 €. Il faut compter une quarantaine d'euros par personne pour la pension complète dans les gîtes (la nuit, le repas du soir, le petit-déjeuner et le pique-nique du midi, préparé par le gîte dans lequel on a passé la nuit).

Anambule : 04.67.82.48.10.

www.mascorbieres.com



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